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2021: Aurais-je besoin de moins d’argent pour prendre ma retraite dorénavant?

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Il y a eu une nouvelle ce mois d’octobre qui a fait couler beaucoup d’encre dans l’espace des finances personnelles. Une mise à jour d’une étude visant à calculer le montant de placements nécessaires pour une retraite sereine. Cette étude permettrait de prendre sa retraite avec beaucoup moins d’argent qu’il y a quelques années.

Peut-on vraiment s’y fier? et doit-on changer nos objectifs financiers pour autant?

Si vous êtes intéressés par les finances personnelles, vous avez surement dû entendre parler de la règle des 4%. Si vous ne la connaissez pas, cette règle consiste à retirer 4% du montant de vos placements la première année de retraite et de vous ajuster à l’inflation les années suivantes.

À titre d’exemple, si vos dépenses sont de 40 000 $ par an, vous devrez avoir 1 000 000 $ en placements. Ce qui équivaut à 25 fois vos dépenses annuelles. Aussi simple et fiable qu’elle parait, cette règle ne devrait pas a elle seule être une base de calcul pour planifier sa retraite, plus particulièrement si on vise une retraite prématurée.

L’inventeur de cette règle, un conseiller financier du nom de William Bengen, vient de publier une mise à jour sur le Financial Advisor Magazine. Il dit que cette règle a été religieusement adulée; Mais ce qu’elle représente en réalité ce n’est ni plus ni moins qu’un taux de retrait sécuritaire afin de ne pas gruger dans son capital pendant sa retraite. Ce taux est empirique et ne représente pas du tout une science exacte d’après lui.

La mise à jour de Mr Bengen ce mois d’octobre 2020 dit que le taux de retrait sécuritaire devrait désormais être de 5%. Il justifie cela avec le graphique ci-dessous, issue d’une étude menée par Michael Kitces il y a quelques années. Ce dernier a utilisé une variable appelée Shiller CAPE pour déterminer si les marchés boursiers sont surévalués. La valorisation actuelle des marchés ainsi que les taux d’inflation très bas (soutenus par les banques centrales en baissant les taux d’intérêt) viennent affirmer un taux de retrait sécuritaire de 5%.

SAFEMAX withdrawal rate

Est-ce que cela veut dire qu’on aurait besoin de moins d’argent pour notre retraite??

Certains répondraient que oui car si on reprend l’exemple du début, pour couvrir 40 000$ de dépenses annuelles durant la retraite, la règle est la suivante: Dépenses annuelles/ Taux de retrait sécuritaire = Objectif de retraite.

  • Pour un taux de retrait de 4%, il faudrait 1 000 000 $ (40 000 $ / 4% = 1 000 000 $)
  • Pour un taux de retrait de 5%, il faudrait 800 000 $ (40 000 $ / 5% = 800 000 $)

Personnellement je ne me réjouirais pas de si tôt, car cette étude comporte plusieurs limitations, à commencer par la durée supposée de la retraite.

Pour cela, il faut comprendre les hypothèses de travail de l’époque. L’étude originale réalisée en 1994 était basée sur un portefeuille hypothétique composé de 50% d’actions US S&P et 50% d’obligations américaines. Elle a été conduite sur des scenarios de 30 ans allants de 1926 jusqu’à 1992. donc les périodes étudiées étaient de 1926 à 1955, puis 1927 à 1956 et ainsi de suite jusqu’à 1992.

Le taux maximal de retrait sécuritaire observé alors, était de 4%. D’où la règle du même nom. Il faut noter que ce taux était basé sur les données historiques des marchés boursiers américains. Quelques années plus tard, le PhD Wade Pfau a repris les mêmes hypothèses de travail de Mr Bengen pour des marchés autres que américains. Il s’est rendu compte que le taux de 4% s’appliquait uniquement en Amérique du Nord, en nouvelle Zélande et au Danemark. Les autres pays étudiés avoisinaient 3.5%.

Mais selon le canadien Ben Felix, gestionnaire de portefeuille et propriétaire de la chaine YouTube “Common Sense Investing”, il faudrait se méfier des hypothèses de travail de Mr Bengen, car les frais de gestion de portefeuille ainsi que la durée de la retraite sont des facteurs qu’il ne faudrait surtout pas prendre à la légère, particulièrement pour les personnes désirant prendre une retraite prématurée.

En effet, cette étude montre que pour un portefeuille composé de 50% d’action et 50% d’obligations, il y aurait 0% de chance de mettre la clé sous la porte sur une période de 30 ans. Mais ce pourcentage passe à 15% sur une période de 40 ans et prés de 30% sur une période de 50 ans. On voit ici que plus la période de retraite est prolongée, plus il y a de risque de se retrouver sur la paille. De plus, si les frais de gestion ne sont pas optimisés, ils vont forcément impacter négativement les rendements de placements.

Le mouvement FIRE prône, “entre autres” une retraite prématurée. Une personne désirant prendre sa retraite à 45 ans, ce qui est monnaie courante dans ce mouvement, risque de ne pas pouvoir s’auto-financer jusqu’à ses 95 ans. La règle des 4% touche alors a ses limites, car nous n’avons pas suffisamment de données pour des retraites de plus de 30 ans dans l’histoire.

Si on se base sur l’étude menée par PWL Capital, en utilisant la méthode de simulation Monte Carlo, le taux de retrait maximal sur une période de 55 ans ne devrait pas dépasser les 2.2%. Cette étude prouve que les finances personnelles demeurent différentes d’une personne à une autre. Il y a plusieurs facteurs à considérer pour savoir combien d’argent il faudrait pour prendre sa retraite: le taux d’inflation, la valorisation des marchés boursiers au moment de prendre sa retraite, le pays de résidence et l’âge de prise de retraite.

En sommes, les personnes qui comptent sur leur investissement pour couvrir leur frais de subsistances devraient être prêtes à vaciller avec les marché boursiers et ajuster leur niveau de vie d’années en année. Dépendamment du taux d’inflation et des rendements boursiers annuels, le taux de retrait devrait fluctuer entre 3% et 13% d’après les données historiques.

Fort heureusement, il y a des solutions complémentaires pour palier à ce manque de prévision dont souffre la règle des 4%. Pour n’en citer que quelques-unes:

  • La stratégie du coussin d’urgence: Contrairement aux 3 à 6 mois de fond d’urgence qui sont recommandés, notamment par Dave Ramsey, durant la vie active, le coussin d’urgence préconisé pour la retraite devrait être égal ou supérieur à deux ans de frais. C’est en effet la période minimum que met un marché baissier à se relever. Donc à moins de pouvoir vivre avec bien moins que 4% de vos placements, ou encore de retourner a la vie active pendant un crash boursier, il faudrait suffisamment de cash pour éviter de gruger dans votre capital.
  • La stratégie des sceaux (Bucket strategy): Très similaire à la première méthode, cette stratégie consiste à diviser votre portefeuille en plusieurs silos de placements (ou sceaux de placements) avec des transferts soigneusement planifiés entre ses derniers. Le premier sceau contiendrait suffisamment de cash pour subvenir quelques années de retraite, quand le dernier contiendrait les placements les plus risqués. Cette méthode crée une période tampon vous évitant de vendre vos placements à perte. Cette méthode a cependant ses limitations, car un retraité ayant puisé dans son fond d’urgence une première fois, ne pourra pas forcément le re-alimenter, sauf si les années suivantes libèrent d’excellents rendements. Ce qui représente un risque.
  • Viser un taux de retrait sécuritaire bien en dessous de la règle des 4%: Par exemple, se préparer à vivre avec 2% ou 3% de ses placements mènera vers une valeur de placement supérieure à la retraite. On devient alors de moins en moins sensibles aux fluctuations des marchés boursiers tout en accroissant notre patrimoine au fil des années.
  • Le bouclier de rendements (The Yield Shield): Dans leur livre «Quit Like A Millionaire», Kristy Shen et Bryce Leung expliquent bien cette stratégie compensatoire. Ils l’ont d’ailleurs eux-mêmes testé lors de la crise du pétrole de 2015. En gros, cette stratégie consiste à compenser une partie de ses retraits manquants avec des dividendes. A titre d’exemple, si 4% de notre portefeuille est censé généré 40 000$ pour couvrir nos dépenses, mais qu’à cause d’un crash boursier, ces mêmes 4% n’en génèrent que 30 000 $, alors on compense les 10 000 $ restants avec des dividendes, plutôt que de vendre les actions.
  • Travailler à temps partiel: Le mouvement FIRE (Financial Independence Retire Early) se compose de deux écoles, le FI qui prône l’indépendance financière et le RE qui prône la retraite précoce. Il faut dire que je n’ai jamais été un fervent supporteur de cette dernière. Si je vise l’indépendance financière, c’est bien pour avoir des choix et des libertés. et je reste persuadé que c’est en faisant ce qu’on aime que l’on peut s’épanouir et gagner de l’argent. Donc une bonne manière pour parer aux limitations de la règle des 4% c’est de se trouver des occupations qui nous tiennent à cœur, qui nous stimulent et qu’on a toujours rêvé de faire afin de générer ne serait ce que de petites sommes d’argent. Ca aiderait certainement à maintenir notre patrimoine net.

En conclusion:

Quelque soit notre profil et nos objectifs, il est impératif d’avoir un plan de retraite. Les règles et outils énoncés dans la littérature en général demeurent standards, mais chacun d’entre nous doit les adapter à sa situation. Le fait de ne pas comprendre ces outils ne devrait pas être une excuse pour laisser les années filer et ne rien faire pour ces vieux jours. Si on ne peut pas le faire nous-même, on doit faire appel à un professionnel.

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